Ce texte a été publié une première fois sur le site Orientaction.ca.

Elle n’est pas présente dans le bureau lors des rencontres. D’emblée, on ne parlera pas nécessairement d’elle non plus. Pourtant, que l’on s’en rende compte ou non, elle a souvent un impact important sur la réussite ou l’insuccès de l’intégration en emploi des personnes que l’on accompagne. La famille exerce toujours une influence sur nous de par sa présence, de toutes sortes de manières, ou bien même de par son absence. Encore plus, la famille peut s’avérer être une véritable clef de voûte pour le cheminement vers l’emploi des personnes qui rencontrent certains défis, et ce, pour répondre à leurs besoins et à leur quête d’autonomie.

Mes forces : ma ponctualité, mon dynamisme et… ma famille!

Quand on parle de la famille et de son rôle « d’élever les enfants », on réfère au fait de les « porter plus haut », de les amener à leur plein développement. On le sait, la famille prend une place particulièrement importante lorsque l’un de ses membres est en situation de handicap. La qualité de présence et de soutien qu’elle offre à la personne qui vit certaines difficultés est une réelle richesse et elle peut devenir un important levier pour permettre l’intégration socioprofessionnelle future de la personne. Par contre, cette présence qui se veut aidante est tout un art à maîtriser : il faut savoir apporter le support nécessaire pour permettre les apprentissages tout en favorisant l’autonomie. Il faudra parfois prendre en charge certaines actions pour la personne, mais aussi lui laisser faire des essais par elle-même. En bref, le défi est de réussir à être juste assez présent, sans l’être trop!

Heureusement, plusieurs familles savent appliquer la juste dose d’accompagnement et de liberté à son proche en situation de handicap et deviennent des alliées considérables pour l’intégration en emploi de la personne. De manière concrète, elles peuvent s’impliquer dans les démarches qui mèneront vers un emploi et son maintien en utilisant par exemple leurs contacts pour dénicher un milieu de travail inclusif ou bien en accompagnant la personne au travail jusqu’à ce qu’une routine de transport soit établie. Autrement, l’apport de ces familles n’est pas toujours remarqué, car leurs actions les plus précieuses se font dans la discrétion du quotidien. Ainsi, elles supportent, encouragent et poussent la personne à développer un maximum de sa potentialité. Elles la laissent expérimenter et essuyer certains échecs pour éventuellement vivre des réussites et développer des acquis. Ces familles savent s’entourer et se référer à d’autres pour plus de soutien. Elles offrent des conditions où la confiance et l’estime de la personne sont nourries, éléments essentiels à l’intégration socioprofessionnelle de tous.

Quand la famille fait obstacle

Les facteurs environnementaux sont parties prenantes du processus de production du handicap et si les familles peuvent faciliter l’abolition de certains obstacles à l’intégration en emploi, elles ont aussi le pouvoir, dans le pire des cas, de renforcer la situation de handicap déjà présente. Bien souvent, cela est fait non pas par mauvaise volonté, mais malheureusement, les familles peuvent également être un obstacle à l’intégration de la personne. Il y a les familles qui se font trop présentes quand elles font tout à la place de la personne sans lui permettre d’apprendre. Parfois, les familles sont carrément absentes ou désengagées. Aussi, elles peuvent être en désaccord avec le désir de la personne de travailler, et ce, pour toutes sortes de raisons. Elles peuvent vivre des craintes face aux changements que cela pourrait apporter au système familial et ne pas vouloir perdre certains gains secondaires  en maintenant le statu quo.

Dans certaines situations, les familles peuvent même en arriver à exacerber les difficultés vécues par la personne lorsque celle-ci évolue dans un milieu de vie dysfonctionnel où règne un contexte affectif défavorable. Comme intervenants, ce sont des personnes dont les histoires de vie peuvent nous marquer et pour qui l’on peut bien voir là où le potentiel de la personne aurait pu se développer davantage dans de meilleures conditions. Ce chercheur d’emploi qui se présente à votre bureau avec une estime et une confiance en soi amochées est à la croisée des chemins. Le projet d’un travail peut être synonyme pour lui d’occasion de s’individualiser et être l’amorce d’une nouvelle vie. Au-delà d’apprendre à bien réaliser les tâches et à s’acclimater à son nouveau rôle de travailleur, l’estime de soi et la confiance en soi sont souvent des éléments qui seront développés par la voie du travail. Un emploi permet de découvrir des forces qu’on ne se connaissait pas, de développer un nouveau réseau social et de devenir autonome financièrement. Lorsqu’il se déroule dans de bonnes conditions, le travail peut soutenir le sentiment d’être reconnu, de se réaliser et d’avoir une place à soi dans la société. Et pour certains, l’emploi devient même le lieu d’une deuxième famille.

Pourriez-vous me parler de votre famille?

En tant qu’accompagnateur, que vous preniez volontairement en compte ou non la famille de la personne dans vos interventions, l’impact de celle-ci dans un parcours d’intégration en emploi sera toujours présent, pour le meilleur ou pour le pire. Comment parvenez-vous à avoir une meilleure idée du système de support de la personne? Travaillez-vous à l’occasion avec la famille pour favoriser l’atteinte des objectifs de la personne? Que faire quand la famille se révèle être un frein au projet d’emploi? Autant de questions qui méritent que l’on s’y attarde et dont les réponses varieront selon votre style d’intervention, le milieu organisationnel dans lequel vous évoluez et surtout des particularités de chacune des personnes que vous accompagnez… et bien sûr de leur famille!

Une collaboration d’Ève Dupuis, agente de projets, SPHERE

Photo : Unsplash