(English follows) –

Je me rappelle que lorsque j’étais petite, dans mon village vivaient plusieurs personnes que tous auraient pu qualifier de « différentes ».

Il y avait « Ti-Jules », le fils de la voisine de ma tante, qui quelques fois par mois prenait le minibus pour aller travailler en ville à insérer des publicités dans les sacs de Publisac. Ti-Jules était trisomique. Sa mère lui offrait une vie remplie d’amour. Elle possédait un bureau municipal dans sa maison, tout juste à côté de la station-service, et tout le village côtoyait Ti-Jules fréquemment. Ma tante appréciait aussi beaucoup la spontanéité de ce grand garçon et l’accueillait chaleureusement lorsqu’il venait faire sa petite visite occasionnelle. C’est à travers ses histoires attendrissantes que nous avons appris à le connaître. Ti-Jules, ce n’est pas un nom que nous lui avions donné… il s’était lui-même baptisé ainsi, et je dois dire que cela ajoutait à sa bonhommie naturelle.

Il y avait aussi Jean-Pierre. Jean-Pierre avait une histoire moins joyeuse. Jean-Pierre vivait peut-être avec une déficience intellectuelle. Reste que cela avait toujours été nébuleux, lui qui avait grandi dans une famille où la violence physique et morale était le lot quotidien. Plusieurs membres de sa fratrie vivaient d’ailleurs également avec le même type de problématique… Cela dit, nous avons toujours connu Jean-Pierre comme étant le « helper » de l’un de nos voisins fermiers. Un fidèle travailleur que cette famille traitait comme un membre à part entière. Il doit sans doute encore y être. Il y a vu leurs enfants grandir et maintenant leurs petits-enfants. Pour nous, c’était comme cela, c’était dans la nature des choses.

Puis il y avait mon cousin Marc. À l’époque, nous croyions aussi que Marc vivait avec une déficience intellectuelle. Ce n’est que tout récemment, à l’approche de ses 50 ans, que Marc a été diagnostiqué autiste. Marc aimait marcher, à sa façon à lui, en sautillant légèrement. Il arpentait le village matin et soir, fier comme un paon. Lorsqu’il s’arrêtait pour nous parler, il nous racontait toujours les mêmes histoires. Les petits malpolis du village riaient parfois de lui, mais nous étions plusieurs à le défendre bec et ongles. Les parents de Marc n’ont jamais voulu qu’il soit traité différemment des autres. Très tôt, Marc a acquis une autonomie remarquable : boulot de plongeur qu’il a conservé jusqu’à sa retraite, puis voiture et appartement… jusqu’à une copine qui était elle aussi très épaulée par sa famille.

Sans parler du fait que, dans les communautés rurales, comme les travailleurs manipulent beaucoup de machinerie, ils subissent parfois des amputations. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à l’un de nos amis de classe. Une année, il est rentré de ses vacances scolaires avec un bras en moins… accident dans la scierie de la famille. Je me rappelle comment nous étions fascinés par tout ce qu’il pouvait faire avec sa prothèse… et comment il se débrouillait comme un pro en motocross!

Bref, tout cela pour dire que je n’ai jamais entendu le mot « handicap » de toutes ces années passées dans ma communauté. Pas une fois. Jamais il n’a non plus été question de mettre de côté qui que ce soit, tout le monde était parfaitement intégré dans la communauté. Oui nous étions conscients qu’il y avait une différence sous certains aspects, mais pas par rapport à l’aspect humain ni à celui des capacités. L’inclusion se réalisait toute seule. Nul besoin de sensibiliser : c’était simplement la chose à faire. Nous n’allions pas laisser tomber quelqu’un de la communauté, le fils ou la fille d’un tel! Tout le monde se serrait les coudes, pour cela et pour bien d’autres choses d’ailleurs.

Se pourrait-il que notre société se soit cloisonnée? Que nous ayons érigé des murs entre nous et nos voisins? Que nous ayons perdu cet esprit de communauté?

L’inclusion, ça peut venir de loin et faire partie d’une réflexion très large et globale de l’état de nos relations humaines.

Pouvons-nous ramener ces valeurs? Comment les choses se passent-elles dans votre communauté?

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I remember when I was little, several people who could be described as « different” lived in my village. There was “Lil’Julian”, my aunt’s neighbor’s son, who went to the city by minibus a few times a month where he worked inserting flyers into Publisac bags. Lil’ Julian had Down Syndrome. His mother filled his life with love. She had a municipal office in her house, next door to the gas station, so the whole village often chatted with Julian. My aunt also really appreciated the young man’s spontaneity and she warmly welcomed him when he came to visit her occasionally. It was from her touching stories we learned about him. He called himself Lil’ Julian, we didn’t give him that name, and I must say, it only added to his delightful personality.

There was also George. His story was less cheerful. Maybe George had an intellectual impairment. It had always been uncertain, because he grew up in a family where physical and psychological abuse was part of everyday life. Many of his kin also lived with the same kind of problem. However, we always knew George as a « helper » at one of the neighboring farms. He was a faithful worker and treated as one of the family. He probably still works there. He saw their children grow up and now their grandchildren. It was completely normal for us.

Then, there was my cousin Mark. At the time, we also believed that he had an intellectual disability. Mark has been diagnosed with autism at almost 50 years of age only recently. Mark liked walking in his own way – with a slight hop. He walked around town morning and night proud as a peacock. When he stopped to talk, he always told the same stories. Punks in town would sometimes laugh at him, but several of us would defend him tooth and nail. Mark’s parents never wanted him to be treated differently. Very early on, Mark was autonomous: first, a dishwasher job — holding it until retirement, then, a car and an apartment and finally, a girlfriend who was also supported a lot by her family.

In addition, country living involves lots of machinery and sometimes operators suffer amputations. It happened to one of our classmates. One year, he returned to school after the holidays with a missing arm due to an accident in the family sawmill. I remember our fascination with what he could do with his prosthesis — and how he managed as a motocross pro!

In short, I never heard the word « disability » in my community. Not once. We never considered leaving anyone out. Everyone was perfectly integrated into the community. Yes, we were aware of differences to some degree, but never about the humanity, nor potential of a person. Inclusion was just normal. There was no need to raise awareness, it was simply the right thing to do. We didn’t consider excluding community members as an option. They were someone’s son or daughter! Everybody stuck together, over « differences » and lot of other things.

Has our society drawn lines? Have we built walls between us and neighbors? Have we lost the community spirit?

Inclusion may come from afar and at the same time be a piece of a larger and holistic reflection on the state of human affairs.

Can we bring back these values? How are things in your community?

(Caroline Pouliot, Conseillère aux communications / Communications Advisor, SPHERE-Québec)