Lorsque l’on parle d’intégration en emploi de personnes en situation de handicap professionnel, on pense à : diagnostic. Diagnostic pour l’accès aux programmes de soutien, diagnostic pour orienter le choix des outils d’intégration, etc. Mais qu’en est-il lorsque la personne vit dans un état d’errance diagnostique ?
On parle d’errance diagnostique lorsque la « période qui se déroule entre les premiers symptômes d’une maladie et le diagnostic confirmé de cette maladie »[1] est anormalement longue… voire sans fin.
Maladies rares et maladies orphelines
Les données sur l’errance diagnostique sont majoritairement reliées au diagnostic des maladies rares. Dans son Blogue sur les maladies rares, Gail Ouellette, Ph.D. CGAC, Généticienne/conseillère en génétique, Regroupement québécois des maladies orphelines (RQMO), précise qu’une maladie rare répond à des critères spécifiques : « La définition la plus courante d’une maladie rare est la suivante : une maladie qui touche moins de 1 personne sur 2000 dans une population […] une maladie rare peut [aussi] être une maladie qui n’a pas de nom. […] En général, une maladie non diagnostiquée est une maladie rare. Ces maladies à cause inconnue constituent une bonne part des maladies rares. »[2]
Au Québec, Mme Ouellette estime à 400 000 le nombre de personnes touchées, incluant les porteurs de gènes qui n’ont pas développé de maladie mais qui pourraient la transmettre à leurs enfants. À cela s’ajoute le concept de « maladies orphelines ». Toujours selon elle, « le terme « orphelin » est apparu au début des années 1980 aux États-Unis en rapport avec le traitement des maladies rares. Ainsi, on disait qu’une maladie était orpheline s’il n’existait pas de traitement pour cette maladie autre que le traitement des symptômes. » Celle-ci ajoute qu’ « Il n’existe qu’environ 350 médicaments orphelins pour environ 7000 maladies rares. »[2]
Durée et facteurs d’influence de l’errance diagnostique dans le cas de maladies rares
Au Canada, les études sont peu communes au sujet de l’errance diagnostique. En Europe, la récente étude Erradiag : l’errance diagnostique dans les maladies rares (2016) avance que « plus d’un quart des personnes atteintes de maladies rares attendent parfois près de quatre ans pour que la recherche de leur diagnostic débute; si les hommes attendent plus de deux ans, le délai dépasse cinq ans pour les jeunes filles de moins de 18 ans. »
L’étude insiste sur la différence en termes d’âge et de sexe : « Le premier obstacle à franchir par les malades consiste à être entendus par les médecins, à ce que leurs manifestations cliniques soient prises en compte comme des symptômes et pas seulement comme des plaintes. Ce retard, qui peut revêtir la forme d’un déni de la maladie ou de sa « psychiatrisation », est observé particulièrement chez les enfants et chez les femmes. » [3]
L’errance diagnostique, pas seulement pour les maladies rares!
L’errance diagnostique concerne aussi d’autres types de maladies. Ces « maladies » communes (elles ne sont parfois pas officiellement qualifiées de maladies) que l’on pourrait dire « orphelines » sont celles qui touchent un pourcentage élevée de la population, qui ne sont donc pas considérées comme des maladies rares, mais qui sont néanmoins orphelines de traitement.
Quelques exemples de « maladies fréquentes orphelines »
Des maladies comme la maladie de Lyme, la fibromyalgie, l’endométriose, les MICI (maladies chroniques inflammatoires de l’intestin), etc. font partie de cette catégorie. Pourraient s’ajouter à cela certaines formes d’autisme, que les professionnels du développement de carrière croisent de plus en plus dans leur pratique.
Par exemple, en France, c’est un véritable cri du cœur qu’ont lancé dans le magazine l’Obs 100 médecins, en juillet 2016, à l’égard de la maladie de Lyme. Ceux-ci exigeaient « la prise en compte de la détresse morale majeure mais aussi socio-professionnelle de ces patients en errance diagnostique pendant plusieurs mois ou années. »[4]
Dans ce même pays, on observe un délai moyen de diagnostic de la fibromyalgie (FM) de 7 ans[5]. L’Association de la fibromyalgie de l’Estrie rapporte qu’entre « 600 000 à 3 millions de Canadiens souffrent de FM. Cette maladie est de 2 à 5 fois plus fréquente que l’arthrite rhumatoïde. » L’association ajoute que « 85 % des personnes atteintes sont des femmes, ce qui pourrait expliquer le manque d’intérêt de la médecine à faire des recherches dans le domaine et la tendance à en minimiser les symptômes ou à apparenter la maladie à un trouble psychologique. »[6] Les stéréotypes ont malheureusement encore la cote.
Et nous pourrions ainsi en nommer plusieurs autres, ainsi que leurs délais moyens de diagnostic… lorsque celui-ci a la chance de survenir.
Une réflexion pour l’intégration en emploi
Le but de cette revue de données est de conscientiser chaque professionnel du développement de carrière à la réalité de tous les chercheurs d’emploi, avec ou sans diagnostic, avec symptômes visibles ou non visibles. L’aliénation que peuvent vivre certaines personnes face à l’incompréhension de leur situation médicale est déjà un fardeau quotidien dans leur vie sociale et familiale. Il importe de faire en sorte que celles-ci soient appuyées adéquatement dans leur démarche d’emploi afin de minimiser ce fardeau, de faire en sorte qu’elles puissent mettre leurs habiletés à profit et se réaliser professionnellement.
Des programmes pour soutenir l’intégration en emploi sont disponibles, aussi, pour les personnes qui peinent à obtenir un diagnostic. Utilisez-les pour combler les besoins de vos clients ; et écoutez ces derniers : ils sont les mieux placés pour déterminer, avec vous, le meilleur plan pour leur intégration.
Une collaboration de Caroline Pouliot, coordonnatrice aux communications, SPHERE.
Crédits photo : Thinkstock
[1] Alliance maladies rares, 2016. Erradiag : l’errance diagnostique dans les maladies rares. Paris, p. 8.
[2] Gail Ouellette, 2010. Qu’est-ce qu’une maladie rare et orpheline? Blogue sur les maladies rares et orphelines. En ligne. Consulté le 21 mars 2017.
[3] Alliance maladies rares, 2016. Erradiag : l’errance diagnostique dans les maladies rares. Paris, p. 3.
[4] L’OBS, 12 juillet 2016. MALADIE DE LYME. Le cri d’alarme de 100 médecins : « Il y a urgence » . En ligne. Consulté le 6 février 2016.
[5] Le Journal des femmes. 25 juin 2013. Diagnostiquer la fibromyalgie prend du temps. En ligne. Consulté le 6 février 2016.
[6] Association de la fibromyalgie de l’Estrie. Septembre 2010. La fibromyalgie : Informations sur la maladie. En ligne. Consulté le 6 février 2016.