Il arrive parfois qu’une personne en situation de handicap ait besoin de la mise en place de certaines mesures pour se réaliser pleinement au travail. Il peut s’agir de l’aménagement de son poste de travail, de son l’horaire, etc. Ces mesures entraînent souvent peu ou pas de frais et peuvent facilement être mises en place.

Toutefois, au-delà de ces mesures, il ne faut pas oublier l’importance du rôle de chacun dans la réussite en emploi d’une personne en situation de handicap. Chaque personne, même la plus autonome, profite d’être soutenue et encouragée par ses proches, bien sûr, d’être guidée par un conseiller en emploi motivé, par un employeur parfois prêt à faire les choses un peu différemment, par des nouveaux collègues ouverts et curieux à son égard, etc.

Toutes ces personnes qui prennent part de près ou de loin au projet d’emploi de l’individu peuvent vraiment influencer sa réussite, puisqu’intégrer un nouvel emploi n’implique pas seulement le fait d’intégrer ledit emploi. L’adaptation à l’ensemble des tâches et aux conditions de travail du milieu n’est que la pointe de l’iceberg des changements que la personne a à vivre lors de son embauche. En effet, elle doit en même temps intégrer une nouvelle routine de transport, une nouvelle équipe de travail et une nouvelle culture d’entreprise. Et encore, elle doit aussi apprendre à connaître ses nouveaux patrons, sans oublier les nouveaux partenaires et parfois la clientèle. Cela implique donc de s’adapter à beaucoup de nouveautés relationnelles. Quand l’appariement est bon, c’est que ces autres personnes s’intègrent aussi à la vie du nouvel employé, développant ainsi une dynamique de réciprocité.

Autonomiser les personnes handicapées et assurer la participation et l’égalité, thème de cette Journée internationale des personnes handicapées, ne se fait jamais sans la présence des autres. Même si un poste de travail est parfaitement adapté aux besoins spécifiques d’une personne, il y a un réel risque de difficultés voire d’échec lors de l’intégration si des obstacles relationnels sont rencontrés, et ce, du moment où elle quitte la maison pour le travail jusqu’à son retour. Est-ce que les nouveaux collègues seront accueillants et l’incluront dans les conversations aux pauses? Est-ce que quelqu’un prendra le temps nécessaire de lui enseigner les tâches à réaliser? Est-ce que les autres usagers du transport en commun céderont leur place dans l’autobus sans grommeler?

Je suis persuadée que des relations humaines de qualité favorisent, entre autres choses, l’intégration en emploi des personnes handicapées. Cependant, cette influence, positive ou négative, des autres humains dans un processus d’intégration en emploi est une donnée qualitative qui demeure subjective, autant difficile à extraire qu’à analyser et qui relève davantage du cas par cas. Il est donc ardu d’adresser directement ce facteur pour tenter d’en contrôler l’impact quoique, heureusement, plusieurs interventions des professionnels en employabilité visent justement à faciliter pour la personne l’établissement de relations harmonieuses au travail. Mais au-delà de l’apport de ces professionnels œuvrant pour l’intégration en emploi des personnes en situation de handicap, je crois que chaque personne, quel que soit son rôle social, peut elle aussi contribuer à sa mesure et à sa manière à l’intégration en emploi des personnes handicapées.

Nos actions et nos paroles influencent les gens qui nous entourent, tout autant que les choses que nous ne faisons pas et ne disons pas. Je pense que tout le monde a le potentiel d’être empathique et bienveillant envers les autres. Ces aptitudes ne sont pas réservées à des êtres qui en seraient prédisposés. Elles s’apprennent à la petite enfance et nous devons continuer de les exercer et de les pratiquer tout au long de notre vie pour les développer davantage. Toutefois, notre disponibilité intérieure et l’environnement dans lequel nous sommes peuvent influencer notre capacité à déployer nos qualités auprès des autres. Par exemple, au contact de personnes qui font preuve de gentillesse nous avons tendance à agir de même. Pensez seulement au goût de sourire qui nous est transmis en croisant quelqu’un de franchement souriant. Aussi, quand l’on donne aux autres, cela nous est souvent redonné sous une forme ou une autre. Malgré tout, ce n’est pas toujours facile au quotidien de demeurer dans de bonnes dispositions. Partout, il nous est demandé de performer : certainement dans nos milieux de travail, mais aussi dans nos vies personnelles. Dans le feu de l’action, à travers les attentes des autres, de la pression que l’on se met soi-même et des items à biffer de notre liste de choses à faire qui se régénère constamment, comment demeurer en contact avec ce qui nous anime vraiment? Je dois avouer que je suis moi-même faillible et que je ne fais pas toujours le petit plus qui ne me coûterait pas grand-chose et qui pourrait faire toute une différence pour l’autre. Pourtant, je sais très bien que quand je le fais, je me sens bien et que cela m’apporte beaucoup. On peut se culpabiliser ou se défendre de ne pas toujours être la meilleure version de soi-même, mais pourquoi ne pas tout simplement s’avouer que de rester au plus près de nos valeurs demande de véritables efforts. Malgré tout, nous demeurons responsables de nos attitudes et de nos comportements. Je pense qu’en reconnaissant cette responsabilité personnelle, on se redonne du même coup le pouvoir d’être des acteurs de changement dans sa vie et dans celle des autres, vers un mieux vivre ensemble.

Pour ma part, je souhaite vivre dans un monde inclusif où chaque personne a la meilleure des chances de se réaliser au maximum de sa potentialité. Vous avez peut-être ce rêve vous aussi et vous ne savez peut-être pas quoi faire pour l’atteindre. Je me sens moi-même souvent confuse à ce sujet. Il me semble cependant que le premier pas à faire serait, pour reprendre autrement la célèbre citation de Gandhi, d’incarner le plus possible le changement que je veux voir dans le monde.

La plus belle mesure d’aide à l’intégration en emploi est à la fois une mesure fragile, instable et difficilement planifiable, mais également surprenante, touchante et vraiment aidante. Elle est la source de simples sourires qui font du bien, de coups de pouce utiles et de précieux accommodements qui ne s’achètent pas. Et c’est vous et moi qui avons le pouvoir de la déployer dans nos vies et dans celle des autres, en prenant appui sur notre capacité d’empathie et de bienveillance.

Une collaboration d’Ève Dupuis, agente de projets, SPHERE

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