Il y a quelques semaines, j’ai reçu un coup de fil qui, au départ, m’a assez surpris.

On voulait savoir si j’avais envie de noircir quelques lignes d’un blogue traitant travail et situation de handicap.

De partager quelque chose sur l’emploi avec vous lectrices et lecteurs!

Après réflexion, je me suis dit, pourquoi ne pas m’épivarder sur les difficultés encourues dans ma vie présente qui, justement, réside au chapitre de l’emploi ou plutôt du manque de…

Vous avez peut-être entendu certains statisticiens affirmer que le Canadien moyen réorienterait son parcours professionnel en général cinq fois dans sa vie active. On discute aussi beaucoup des difficultés inhérentes à une telle situation si celle-ci se déroule dans la cinquantaine. Plus on avance en âge, plus les difficultés à renouveler ses habiletés ou à en développer de nouvelles s’avère un défi difficile à surmonter disent ces mêmes spécialistes.

Je ne crois pas avoir à faire une liste exhaustive des raisons pour lesquelles un adulte d’âge mûr puisse se retrouver sans emploi et sans trop savoir où aller ou encore, des conséquences émotionnelles et financières qu’un tel événement risque d’avoir sur la vie de ce travailleur. On comprend tous que cela représente « une bonne claque »!

Maintenant, mettez-vous dans la peau d’un quinquagénaire devant se repositionner sur le marché du travail et que ce dernier doive, en plus, composer avec une limitation fonctionnelle…

C’est justement mon cas.

Âgé de 56 ans et vivant avec une cécité, je suis travailleur autonome depuis trois ans. Je me définis professionnellement comme un communicateur qui essaie de faire passer le message d’autrui : rédaction, animation d’ateliers et d’émissions de radio ou de télé.

Le problème ; mon cellulaire est parfois un peu trop tranquille. Pourtant, il fonctionne bien. Je viens même de m’en procurer un plus performant aux dires de mon fournisseur trop heureux de renouveler mes mensualités.

Voulant comprendre les raisons expliquant le silence de ma sonnerie, je me suis dit : « Tant qu’à ne pas dormir, regardons ça de plus près… Oui, ne plus recevoir un chèque de paie me cause parfois quelques heures d’insomnie! Alors, rendons-les productives !

Au départ, je m’attendais à ce que les personnes de 45 ans ou plus vivant avec un handicap sans emploi soient largement plus nombreuses que les plus jeunes au profil à peu près similaire. J’ai donc fait quelques appels auprès d’organismes pour qu’ils me confirment ce que je croyais, question de pouvoir m’apitoyer sur mon sort. Histoire de demander au gouvernement d’accélérer la légalisation de muffins au pot prévue pour octobre, ou encore d’écouter du Safia Nolin 12 heures par jour. Et bien, désolé Safia, mais je n’aurai pas besoin de toi finalement, car mon hypothèse est plus ou moins valide!

Regardons certaines statistiques provenant d’organismes qui travaillent à développer l’employabilité de personnes vivant avec des limitations fonctionnelles : à Montréal, en 2016-2017, le taux de travailleurs stagne autour de 70 %, peu importe que ce soit avant ou après 35 ans. À Laval, petite différence, le taux de placement chez les 35 ans et moins est de 81 % versus 72 % pour les 36 ans et plus. À peine 9 % d’écart, ce qui n’est pas assez pour en faire une théorie!

Ce que l’on constate, c’est qu’il n’y a pas de périodes plus critiques qu’une autre pour perdre son job lorsque l’on trimbale un handicap dans ses bagages puisque, sans égard à l’âge, le taux de sans-emploi se situe entre 20 et 30 %. Bien sûr, ce pourcentage varie grandement en fonction de la région où l’on vit et l’incapacité vécue. Ainsi, le pourcentage des sans-emploi oscille autour de 65 % pour celles et ceux vivant avec une déficience visuelle.

La disparité des statistiques pourrait sembler quelque peu décourageante pour la personne handicapée en recherche d’emploi, surtout avec les taux de chômage remarquablement bas que l’on affiche par les temps qui courent. Cependant, la chose intéressante que l’on doit expliquer aux employeurs potentiels, c’est que cette réalité influence considérablement le comportement de celui qui vit avec une limitation.

En effet, d’autres données démontrent que la personne handicapée travaille généralement plus fort, est plus fidèle à son employeur et s’implique davantage dans la vie de groupe. La difficulté de trouver un emploi va, chez plusieurs, engendrer une reconnaissance qui motive l’ardeur au travail. Certains diront « l’emploi que je possède, je suis mieux de m’arranger pour le garder, question de ne pas retourner dans la colonne des 30 %! », d’autres, heureux aussi d’avoir enfin un job, heureux de ne plus se retrouver dans le 30 % de sans-emploi, pourront enfin utiliser et mettre à profit toutes leurs connaissances, leurs ressources et leur potentiel pour performer au sein de l’organisation!

Il semblerait que bien souvent, les patrons constatent après quelque temps que l’adaptation du début, peut-être un peu laborieuse, est largement compensée par plusieurs années de bons services.

Alors, si vous faites partie de ceux qui, comme moi, sont en recherche d’emploi par les temps qui courent et que cela vous trouble parfois la nuit, voici notre défi: se fermer les yeux et les oreilles aux statistiques, croire en nos forces, quel que soit notre âge.

Rien de mieux pour convaincre un boss potentiel que d’y croire d’abord nous-mêmes! De toute façon, avons-nous vraiment le choix?

Luc Fortin, animateur, chroniqueur, rédacteur

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