Jessica Cacciatore, étudiante en développement de carrière.
(English follows) – La question du travail durant les études devient souvent plus complexe lorsqu’une situation de handicap est présente et que celle-ci amène des défis supplémentaires pour obtenir son diplôme et décrocher un emploi.
Jessica Cacciatore est une étudiante en développement de carrière qui occupe en parallèle un emploi de chargée de projets à l’Association québécoise des étudiants ayant des incapacités au post-secondaire (AQEIPS). Son opinion sur le sujet a une double pertinence du fait de son expérience personnelle et professionnelle. En effet, elle-même en situation de handicap a occupé divers emplois en simultanéité avec son parcours scolaire. De plus, son rôle à l’AQEIPS l’amène à travailler de concert avec différents acteurs de l’employabilité et du milieu scolaire soucieux de bien répondre aux besoins des étudiants en situation de handicap. Voyons ce qu’elle avait à nous partager et à nous apprendre sur le sujet.
C’est lorsqu’elle obtient un emploi d’été qui se prolonge à la rentrée des classes au certificat en ressources humaines que Jessica se retrouve pour la première fois à jumeler travail et études.
Jessica : « J’ai été agréablement surprise de voir que j’arrivais à faire les deux. J’avais des appréhensions, parce qu’on ne se le cachera pas, les études, c’est énergivore. J’ai trouvé ça pratique, parce que ce que j’apprenais à l’école, je le voyais live sur le marché du travail. Je pouvais témoigner de ce que je vivais et trouver des solutions en classe. Je trouvais que j’apprenais beaucoup plus sur le terrain que de rester juste en théorie à l’école. Ça m’a beaucoup inspirée et même aidée à apprécier les études : je voyais que ce que j’apprenais était réel et utile. »
Jessica avait déjà mis le pied dans le monde du travail dès le secondaire via des emplois d’été, ce qu’elle considère comme un atout dans son parcours. Toutes ses expériences lui ont permis de mieux se connaître et d’être plus à l’aise de parler d’elle-même avec les employeurs.
Jessica : « Je savais déjà où étaient mes forces grâce à ces emplois d’été. C’est dur de faire ton chemin et de trouver un premier emploi quand tu n’as pas d’expérience. J’ai maintenant un réseau de contacts qui est très important et qui va me servir aussi après les études. Je sais où aller, qui appeler. »
« Moi, je rends les employeurs à l’aise en partant dans l’entrevue et je leur laisse aussi un temps pour qu’ils posent leurs questions par rapport à mon handicap, pour que ça ne vienne pas jouer dans leur sélection après. S’ils avaient des questions en tête et qu’ils ne les ont pas posées, ils peuvent me mettre dans la pile des peut-être et je ne veux pas que ça arrive. Je suis déjà très ouverte d’expliquer ce que j’ai, ce dont j’ai besoin et ce que je peux leur offrir. »
Ses études actuelles à temps partiel lui permettent de continuer de travailler. Comme tout le monde, elle a des obligations financières à rencontrer. Mais comme elle privilégie l’action et la vie sur le terrain, elle ne s’en passerait plus.
Jessica rencontre toutefois certains obstacles. Étant utilisatrice du transport adapté, la gestion de son horaire représente un défi. Elle doit se trouver un employeur qui démontre une certaine souplesse et les temps d’attente pour se rendre au travail et à l’école sont aussi à considérer. Elle place cependant le principal enjeu à un niveau plus personnel.
Jessica : « Le premier obstacle c’est moi-même, parce qu’il a fallu que j’apprenne à m’écouter et pour moi c’était difficile. J’étais habitué d’étudier à temps plein et je ne savais pas où était ma limite entre ce que je peux étudier et combien d’heures je peux travailler. Des fois j’en prenais trop sur mes épaules et je devenais très fatiguée. La session d’après je m’ajustais. »
Selon ce qu’elle voit, ce ne serait pas la majorité des étudiants en situation de handicap qui occupent un emploi durant leurs études, au contraire. Elle croit cependant que lorsque c’est possible de le faire, il faut tenter de nouvelles expériences.
Jessica : « Il y a beaucoup de personnes en situation de handicap pour qui on dirait que l’école est devenue leur maison. Ils sont confortables dans le système scolaire où on a beaucoup de mesures d’accommodement et d’encadrement. Ils sont tellement concentrés à vouloir bien réussir l’école qu’ils vont arriver sur le marché du travail sans d’autres expériences : ni sociale, ni d’employabilité. »
« La mission de l’AQEIPS est aussi de sensibiliser les étudiants au fait qu’il existe autre chose que les études et qu’il faut s’y préparer. On essaie de leur faire réaliser l’importance d’avoir des petites expériences de travail durant l’été ou de faire du bénévolat pour qu’ils puissent s’acclimater à des environnements où ce ne sont pas toujours des personnes en situation de handicap qui sont avec vous. Apprendre comment agir avec les gens, comment parler de son handicap sans qu’il y ait de malaise, comment exprimer ses besoins et d’abord les connaître. C’est drôle à dire, mais quand tu as toutes les adaptations autour de toi, on ne le voit plus le handicap. Mais quand t’arrives dans un milieu où il n’y a rien d’adapté et que tu n’as jamais vécu ça, c’est dur d’exprimer tes besoins si tu ne les connais pas. »
« C’est important de se mettre un peu en danger si tu veux, dans des environnements atypiques, pour être capable de savoir c’est quoi tes réels besoins et les exprimer aussi rendu sur le marché de l’emploi. C’est de se mettre un peu en situation d’inconfort pour voir qu’est-ce que tu es en mesure de faire et pour pouvoir développer ta créativité. Le plus vite que tu fais ça, le plus vite t’arrive à te débrouiller le temps que tu ais des adaptations au travail qui vont être plus aidantes. »
« Moi j’ai essayé toutes sortes d’affaires dans ma vie, pas juste en termes d’emplois, mais aussi en termes d’activités. Des fois je me suis cassée la margoulette, mais j’ai appris de ça. Par exemple, j’ai fait du bungee quand j’étais jeune, malgré le fait que je sois en fauteuil roulant. J’ai eu la peur de ma vie, mais j’ai réussi à le faire ! Une petite expérience comme ça à l’âge de 12 ans, ça a augmenté ma confiance en moi. Je ne dis pas qu’il faut toujours faire des choses extrêmes comme ça, mais il faut sortir de sa bulle. »
On peut dire que Jessica est vraiment une femme qui travaille fort : à l’école, au travail et sur elle-même. Elle valorise l’apprentissage sous toutes ses formes et la persévérance. Pas surprenant qu’elle recommande aux autres d’en faire autant.
Jessica : « C’est important d’essayer, de repousser ses limites et de ne pas avoir peur de faire des essais et erreurs. Il faut garder son esprit positif même si il y a des obstacles ou des échecs, parce qu’on apprend de ça. J’en ai eu des mauvaises expériences en emploi et j’ai appris à savoir quel milieu j’aime, quel milieu j’aime moins, avec quel type de personnes je veux travailler et ce que je veux éviter. Donc ce n’est pas un échec en soi de vivre des situations difficiles. Il ne faut pas se freiner et se dire que c’est à cause de son handicap ou à cause des autres personnes. À un moment donné on trouve le bon match : on trouve le bon endroit dans lequel on veut travailler et on se trouve. »
Propos recueillis par Ève Dupuis, agente de projets, SPHERE.
Working while going to school often is more complicated when you have a disability. In addition, obtaining the diploma and getting a job provides more challenges.
Jessica Cacciatore studies career development and works as a project manager for the Association québécoise des étudiants ayant des incapacités au post-secondaire – AQEIPS (Quebec Association of Post-Secondary Students with Disabilities). Her view on the subject is more relevant because of her personal and professional experience. Indeed, she has worked several jobs while attending school with a disability. Moreover, in her role at AQEIPS, she works with various employability and school professionals devoted to the needs of students with disabilities. Let’s hear what she had to share and teach us on the subject.
Jessica started working and studying (HR certificate) at the same time when her summer job extended into the school year.
Jessica: “I was pleasantly surprised that I could do both. I was apprehensive, because everybody knows studying takes a lot of energy. I found it a good mix, because what I learned at school, I experienced on the job. What I faced on the job matched my classroom studies and helped me find solutions. I learned a lot more in the real world than just the theoretical knowledge I learned at school. It inspired me a lot and even helped me to appreciate education even more. I saw that what I learned was real and useful.”
Jessica already had a taste of the working world through summer jobs while in high school. She considered them an asset in her career. All of her experiences enabled her to be more self-aware and to be more comfortable talking to employers.
Jessica: “I already knew my strengths thanks to the summer jobs. It’s hard to find your way and first job when you have zero experience. I now have a very important contact list which can help me when I finish studying. I know where to go, who to call.”
“At the beginning of an interview, I make employers comfortable by giving them time to ask me questions about my disability, so it doesn’t interfere with their choice afterwards. If they have questions and don’t ask them, they might put me in the “maybe”pile and I don’t want that to happen. I’m very open-minded about explaining what I have, what I need and what I can offer.”
Her current part-time studies allow her to continue working. Like everyone, she has financial obligations. But she prefers to keep busy and involved in real life, she cannot flourish without it.
Jessica still faces some obstacles. For example, managing her schedule is quite challenging because she depends on paratransit services. The wait times for getting lifts for school and work require a very accommodating employer. However, the main issue goes deeper to a personal level.
Jessica: “The main obstacle is my own self. I had to learn to listen to ‘Jessica’ and for me it was difficult. I was used to studying full-time and didn’t know my limits, how much I could study and how many hours I could work. Sometimes, I took on too much and got burned out. The next session I made changes.”
According to her, the majority of students with disabilities are not employed while they study, quite the opposite. Her view is that whenever possible, it is necessary to take on new challenges.
Jessica: “There are lots of disabled people for whom school becomes a second home. They’re comfortable in the school system where there’s lots of support and coaching. They’re so focused on their desire for school success; they enter the labor market without any other experiences, neither social nor job-related.”
“AQEIPS’s mission is also to raise awareness of the fact that there’s more to life than education and they have to prepare for it. We try to make them realize the importance of some summer work or volunteering so they can get used to environments without just disabled people. Learn how to act around people, how to talk about your disability without discomfort, how to express your needs, and know what they are. Funny to say, but when you’re surrounded by all the accommodation, you no longer see the disability. However, when you’re in an environment where there’s no accommodation and you’ve never experienced it, it’s hard to express your needs, if you don’t know them.”
“It’s important to put yourself “out there” if you know what I mean, in unusual environments to know your real needs and be able to express them when you hit the job market. Put yourself in an uncomfortable position to see what you are made of and to develop your creativity. The faster you do it, the quicker you’ll manage while you wait for help with workplace accommodation.”
“I have tried all kinds of things in my life, not just in terms of jobs, but also in terms of activities. Sometimes it was awkward, but I learned from it. For example, I went bungee jumping when I was young, even though I was in a wheelchair. It was scary, but I did it! Even a small experience like that at 12 boosted my self-confidence. I’m not saying you always have to do extreme stuff like that, but you have to step outside your comfort zone.”
Jessica is a woman who really works hard at school, on the job and on herself. She values all kinds of learning and perseverance. No wonder she encourages others to do the same.
Jessica: “It’s important to try, to push your limits and not be afraid to try and make mistakes. You have to stay positive even if there are obstacles or failures, because you learn from them. I have experienced bad jobs and I learned through them what environment I like and don’t like, what kind of people I want to work with and what kinds I want to avoid. So experiencing difficult situations is not failure. We must not impose limits on ourselves by saying that it’s because of our disability or because of other people. At some point we’ll find the right fit and the place where we want to work and ultimately, we’ll find out who we are.”
Interview by Ève Dupuis, Project Officer, SPHERE.